En route vers l’apprenance avec Xtrem Reading

Découvrez comment démarrer votre parcours vers cette fameuse entreprise apprenante.

L’apprenance est une attitude permettant d’accroître sa capacité à traiter des situations complexes. C’est pourquoi elle s’impose comme une nécessité au sein de nos organisations afin de faire face à ce fameux monde VUCA.

Mais comment l’activer, et surtout l’entretenir, en entreprise ? Comment démarrer notre chemin vers cette fameuse entreprise apprenante ?

À travers ces quelques lignes j’espère vous donner envie de trouver votre chemin et vous lancer.

Avant tout qu’est-ce que l’apprenance ?

L’apprenance est un concept qui a été défini par Peter Senge dans son livre La 5ᵉ discipline — Levier des organisations apprenantes, paru dans les années 90.

Pour pouvoir rester compétitive, l’économiste et professeur de management au MIT Sloan School of Management explique qu’une entreprise doit pratiquer 5 disciplines :

  • La maîtrise personnelle : pour clarifier notre approche de la réalité.

  • Les modèles mentaux : pour apprendre à nous défaire de nos préjugés, être conscients de notre façon de percevoir et réagir.

  • La vision partagée : pour savoir relier des individus ensemble.

  • L’apprenance en équipe : pour favoriser la réflexion collective par le dialogue.

  • La pensée systémique : pour voir le système dans son ensemble ainsi que les interactions qui le régissent. Cette cinquième discipline est à la fois la dernière et les cinq toutes à la fois puisqu’elle requiert la pratique au minimum des quatre autres disciplines.

Finalement, le message qu’il a voulu faire passer est le suivant : l’apprenance est le seul moyen pour une organisation de façonner son propre futur. C’est par ce moyen qu’elle peut passer du mode « j’apprends pour survivre » (apprentissage nécessaire à ma survie / mon adaptation) au mode « j’apprends pour générer, créer et faire émerger de nouvelles choses ».

C’est l’apprentissage continu des individus composant l’organisation qui va rendre possible ce changement de mode.

Très bien. Mais elle est où l’agilité dans tout ça ?

L’apprenance est au cœur de l’agilité, elle transpire dans les principes du Manifeste. Si on y réfléchit, ils créent un cadre à l’apprentissage :

  • Découvrir le produit qu’on construit ou développe via la réduction des boucles de feedback.

  • Apprendre à être une équipe et vivre en équipe via la création d’un environnement favorisant la confiance, l’auto-organisation et l’introspection.

Apprenance et agilité reposent sur la même fondation : l’adaptation aux changements, tout comme la valorisation des individus, sont primordiales dans notre monde de moins en moins prédictif.

Alistair Cockburn l’a très bien illustré avec son Heart of Agile que l’on peut voir comme un retour aux sources de l’Agilité. Dans celui-ci on retrouve des associations telles que Réfléchir/Améliorations, Livrer/Apprendre.

L’apprentissage en entreprise

L’université de Princeton a développé sur la base d’enquêtes et d’études, le modèle d’apprentissage 70/20/10 qui découpe en trois domaines distincts notre façon d’apprendre et de nous former :

  • 10 % de notre apprentissage se font dans le cadre de sessions de formation traditionnelles.

  • 20 % ont lieu grâce aux interactions sociales, à travers nos échanges avec nos collègues et nos connaissances.

  • 70 % relèvent de l’expérience et de la pratique.

Au sein des entreprises où je suis intervenu, la formation est majoritairement traditionnelle. Dès lors, seuls les 10 % sont stimulés via des cycles de formations traditionnels souvent délivrées en mode descendant. Les participants y sont convoqués sans forcément avoir été impliqués sur le choix de la formation. Ils se retrouvent à apprendre ce qu’un expert a décidé de leur enseigner sans réellement comprendre pourquoi ils le font. C’est ce qu’Alexandre Magno appelle le learning 1.0 qui ne laisse que très peu de place aux interactions et à l’apprentissage en groupe.

Concernant les 20 %, il existe encore trop peu de pratiques au sein des organisations favorisant les échanges et la stimulation de l’intelligence collective.

Et en pratique ?

Comment pouvons-nous développer ces 20 % ? Quelles activités permettent d’apprendre continuellement ? Comment favoriser les échanges entre les collaborateurs et ainsi créer une expérience autour de l’apprentissage ?

C’est avec toutes ces questions en tête que Cédric Tamavond (coach agile) et moi-même avons mis au point une nouvelle pratique d’apprenance dont voici l’histoire.

Petite histoire d’une pratique d’apprenance

Tout a commencé par :

La lecture est toujours le principal moyen d’apprendre de nouvelles choses et de tester ma compréhension. (Bill Gates)

Un point nous gênait avec la lecture : telle qu’on nous l’a enseignée, c’est une activité qui est exercée en solitaire.

Comment rendre la lecture plus collective ?

Cédric et moi avons décidé d’adopter une démarche Design Thinking pour répondre à cette problématique. Cela nous a permis de définir notre problème, générer des idées, expérimenter avec des utilisateurs pour enfin aboutir à une pratique que nous avons appelée : Xtrem Reading.

Xtrem Reading : comment ça marche ?

Xtrem Reading est un format d’atelier facile à dérouler qui nécessite un facilitateur (ou plutôt un gardien du temps), une salle, des volontaires et des livres.

Une session d’Xtrem Reading se déroule de la manière suivante :

  • Les participants sont invités à apporter un livre de leur choix qu’ils n’ont pas encore pu lire (souvent celui qui traîne sur leur table de nuit)

  • Ils partagent ensuite leur choix avec les autres participants en expliquant ce qu’ils espèrent découvrir dans ce livre.

  • Suite au partage, les participants s’organisent pour former des groupes d’intérêts de 2 ou 3 personnes.

Durant 2 itérations de 15 à 25 minutes, les participants lisent, en survolant, 2 livres. L’objectif est d’en ressortir l’essentiel pour pouvoir le présenter aux autres. Habituellement, les personnes utilisent des techniques de lecture rapide et de prise de notes telle que le mind mapping pour y parvenir aisément.

Au sein de chaque groupe, 5 à 10 minutes sont consacrées par livre afin d’exposer ce qui a été découvert.

Cette étape est souvent très surprenante et intéressante puisque, sur une lecture de seulement 15 à 25 minutes, les participants sont capables de ressortir une quantité d’informations incroyable.

A la fin, chaque lecteur peut noter dans une fiche de lecture son sentiment sur la facilité de lecture du livre, ainsi qu’une recommandation.

Bon à savoir : ce format fonctionne très bien pour explorer des livres « techniques » ou des articles mais ne s’utilise pas pour des livres de fiction (à moins que vous ne vouliez vous gâcher le plaisir).

Ce qu’on a appris avec Xtrem Reading

Depuis que nous avons mis sur pied cet atelier, nous avons facilité des dizaines de sessions avec au total plus de 300 personnes différentes, et dans des contextes différents (au sein de notre entreprise avec nos pairs, chez des clients, dans des communautés spécifiques ou même lors de conférences).

Nous avons modifié le format pour pouvoir le dérouler en remote : cela fera l’objet d’un autre article.

Forts de ces expériences diverses, nous avons pu constater que :

  • Lire 2 livres en 1 heure à la Clark Kent (le super héros à la tunique bleue et au slip rouge) c’est possible. On est tous en capacité de faire… mais différemment de ce qu’on pense en premier lieu.

  • Lire en ayant en tête de partager est incroyablement efficace pour améliorer la rétention : la meilleure façon d’apprendre est d’enseigner.

  • On a tous des systèmes de pensée différents et c’est là où réside la vraie richesse. Lors du partage chaque lecteur peut avoir vu et retenu des choses différentes. Les croiser est incroyablement riche et va permettre de créer une expérience émotionnelle autour d’un livre.

  • Cela permet aux participants de découvrir des sujets qu’ils n’auraient pas soupçonnés aimer ; ou a contrario de se rendre compte qu’un sujet ne les intéresse pas et cela sans avoir investi plus d’une heure de leur temps.

On a rapidement pu observer un effet inattendu lorsqu’on a commencé à dérouler des sessions à l’extérieur de notre entreprise : toutes les strates des organisations se sentaient concernées et souhaitaient y participer. En effet, la volonté d’apprendre ne se limite pas aux opérationnels.

Durant le temps de l’atelier, nous arrivons à casser les silos horizontaux (inter équipes ou services) mais aussi verticaux (hiérarchie) et créer de l’empathie entre des personnes qui n’ont pas pour habitude de collaborer.

La route vers l’apprenance n’est pas si compliquée à partir du moment où l’organisation a compris que ses employés étaient ses partenaires privilégiés.

Pour qu’elles le comprennent, vous pouvez commencer par mettre en place des pratiques permettant l’échange tels qu’Xtrem Reading, les rétrospectives, les brown bag lunchs, les hackhathons, les retours d’expérience, etc.

Rien n’est écrit, juste lancez-vous.

Pour aller plus loin (Questions en mode Solution Focus)

  • Tu viens de faciliter ta première session d’Xtrem Reading. Les gens sont ravis et discutent entre eux. Qu’est-ce que tu vois et entends ?

  • Qu’est-ce que tu as trouvé dans mon texte qui pourrait t’aider ? Comment ?

  • Une fois que tu considéreras ton organisation comme apprenante qu’est-ce qui sera différent ?

J’ai écrit ce texte dans le cadre de l’écriture d’un ouvrage collectif : Rupture Douce #06 dont le propos est de partager des histoires authentiques liées à des transformations agiles de tout type d’organisme vivant (entreprises, équipes, individus).

Si vous voulez découvrir d’autres belles histoires je vous invite à découvrir les différents tomes ici : https://laurentsarrazin78.wixsite.com/rupture-douce/home

  • Retrouvez les slides utilisées pour présenter / animer des Xtrem Reading dans plusieurs conférences ici :

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